Le problème quand on déménage, c'est que ça vous fait soulever, déplacer et ranger 743 642 bouquins et revues. Evidemment, quand vous venez d'achever au fusil à pompe le dernier salarié qui souffrait trop des douleurs dorsales liées au transport de cartons de livres trop lourds (faut pas croire, on est humain) arrive la question essentielle : Pourquoi je garde tout ça ?
D'où, l'envie d'explorer la bibliothèque avec les trois exclamations classiques : "Oh putain, on avait çà !" ; "Oh putain, même avec le recul, c'est toujours aussi naze !" et "Oh putain, ça fait deux ans que je le cherchais, celui là !".
Alors puisqu'il y en a d'autres, plus jeunes, plus fous, pour tenir la chronique francophone d'un monde géospatial en mouvement, on va profiter du dépoussierrage en cours pour remonter à la surface deux ou trois trucs.
Bien sur on ne trouvera pas dans notre bibliothèque beaucoup de trucs du niveau du "Territoire des hommes" de Gaspi 1er, reparu chez ESRI sous le titre (on ne rit pas) de Connecting People While Preserving the Planet: Essays on Sustainable Development". Nos vieux lecteurs (il y en a) se reporteront à notre chronique de ce chef d'oeuvre parue ici.
Et on commencera par un numéro resté coincé derrière une étagère de la revue Geoforum (Elsevier) de l'été dernier (Volume 40, Issue 4, July 2009) qui reprenait des conférences présentées à l'AAG.
Le thème était "The view from nowhere? Spatial politics and cultural meanings of satellite imagery". Coordonné par Martin Dodge et Chris Perkins (géographes bretons de l'Université de Manchester) il contient des contributions inégales. Mais dans le lot, l'article de Paul Kingsbury et John Paul Jones "Walter Benjamin’s Dionysian Adventures on Google Earth" ressort clairement. On ne résiste pas ici à recopier le résumé (déjà jubilatoire) :
"This paper argues, following Friedrich Nietzsche, that recent evaluations of Google Earth uncritically privilege the product’s Apollonian determinations at the expense of its Dionysian uncertainties. Specifically,when we understand Google Earth as a virtual globe composed of surveyed panoramas, sober rationalization, dystopic control, and transparent order –or, even, as a tool for participation and empowerment –we undersell its capacities as an alluring digital peep-box, an uncertain orb spangled with vertiginous paranoia, frenzied navigation, jubilatory dissolution, and intoxicating giddiness. We argue that the former interpretations not only risk foreclosing our theorizations about how Google Earth is actually used in various ways and different contexts, they also reproduce a one-dimensional and conservative reading of technology that can be traced back (at least) to the writings of Theodor Adorno. By drawing on the work of Walter Benjamin (Adorno’s critic and pen pal for more than a decade) we aim to ‘go beyond Apollo and Adorno’ by illustrating the extent to which Apollonian order and Dionysian love makes Google Earth go round. To do this, we examine Google Earth as a ‘‘digital peep-box” with an online collective that revels in its ‘‘Spot the Black Helicopter” competitions; illuminated profanities; alien and giant insect invaders; naked sunbathers; and crashed transport planes in Darfur."
Le reste du dossier n'est pas du même niveau. Le papier de Lisa Parks sur le Darfour est assez affligeant quand on connait un peu le sujet (la dame est pourtant considérée de Where 2.0 en blogs divers comme un gourou infaillible).
Les articles de Geoforum peuvent être téléchargés via Science Direct.
p.s. : Evidemment, vous nous avez vu venir, on encense un article de John Paul Jones (distingué chercheur de l'Université de l'Arizona à Tucson, haut lieu de nos obsessions musicales) et ça nous mène immanquablement à un des albums qui nous a réveillé cet hiver. Ce n'est pas très original d'apprécier Them Crooked Vultures ces temps ci, mais c'est tellement au dessus du lot qu'on acceptera (exceptionnellement) d'avoir des goûts communs.
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